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LA JEUNESSE DE RABEVEL

Elle sourit avec coquetterie :

— S’il faut tout vous avouer, je vous préférais certes à tous vos camarades parce que, tout de même, vous étiez plus vivant. Mais entre nous, quelle importance cela pouvait-il avoir ? Vous-même me marquiez de l’indifférence… Si, si…de la courtoisie indifférente ; vous me rendiez honnêtement ma gentillesse ; nous étions quittes voilà tout. D’ailleurs pourquoi me raconter tout cela ? Je n’ai jamais témoigné d’amour à qui que ce soit, à vous moins qu’à tout autre ; maintenant j’aime François, nous sommes fiancés ; les histoires de gamins n’ont plus aucun sens.

Elle prononça ces mots de sa voix chaude, légèrement timbrée d’un accent méridional qui plaisait à Bernard. Elle le regardait maintenant avec une curiosité profonde, se demandant où il voulait en venir, hésitant encore à comprendre.

— Enfin, reprit Bernard, permettez-moi d’insister, François est mon ami ; il me semble que vous vous êtes engagés l’un et l’autre dans cette aventure avec beaucoup de légèreté. Vous ne nierez pas que vous ne m’ayez toujours depuis l’enfance préféré à lui ?

Elle ne répondit pas.

— Or on ne peut pas marier des amis d’enfance ; le résultat est toujours mauvais ; ce n’est pas l’amour qui règne dans de tels mariages. Si véritablement c’était l’amour, croyez-vous que ce ne soit pas moi que vous auriez épousé,