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LE MAL DES ARDENTS

après l’autre dérivées, nulle ne s’appliquait plus désormais à son objet ; elles s’en détournaient, brusquement orientées vers la nouvelle espérance, et leurs lanières, un instant flottantes comme la pieuvre, fouettaient soudain la proie merveilleuse et, la serrant avec amour, l’emportaient, vers ce trou de l’avenir réfugiées où, après mille détours, les anticipations précautionneuses de l’esprit ne se risquent qu’avec lenteur.

Flavie contre son corps eut, en dormant, un mouvement qui fit cristalliser d’un bloc, comme dans l’expérience chimique des solutions sursaturées, les minutes présentes. Les imaginations miraculeuses s’effacèrent dans la masse informe de la solution. Beau songe, se dit-il ; mais il était difficile à reformer. Le présent c’était la chambre froide, la lumière inerte de la lune, la femelle assoupie contre sa propre chair — et enfin le sommeil, qui lui ouvrit tout à coup sous les pieds une trappe de ténèbres.

Il s’éveilla très tard et se trouva seul dans le lit : la servante avait réussi à se lever sans qu’il en eût conscience ; il en conçut quelque aigreur ; son instinct de domination et de contrôle n’avait point de cesse et le persécutait lui-même dès que la moindre broutille lui échappait. Sa mauvaise humeur s’accrut de la conscience qu’il avait de perdre son temps, de dévorer sans profit les quelques jours de vacances dont il pouvait jouir plus utilement ; allongé sur cette couche déshonorante il revivait avec amertume les heures de loisir déjà enfuie ; il en remâchait