Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
LA JEUNESSE DE RABEVEL

de « curé » dont il eût dû être flatté. Ainsi, par nature, l’homme fanfaronnait du vice et rougissait de la vertu. Les images d’autrefois se présentaient à sa complaisance qui s’y attardait avec toujours cette cuisante joie ; il se rappela tout à coup le supplice de Saint Laurent, celui du scorpion, et sa propre curiosité savourante. Il se dit : « je suis un drôle de type tout de même », avec une sorte de vanité et le plaisir de la découverte ; et, en même temps, sans un désir, ni à proprement parler une vision impures sans une localisation déterminée bien que cela lui parut monter du ventre, il éprouvait une puissance nouvelle, forte et subtile ; une puissance, chose si curieuse ! qui lui paraissait physique et mentale, et qui le débarrassait des gens et des dieux ; sans doute était-ce cela qui faisait les hommes ? L’exercice de ce pouvoir sexuel et la conscience de ce pouvoir, la puissance d’engendrer et de perpétuer la race, seul but de la nature, dès qu’ils étaient ressentis, tout le reste s’évanouissait comme des petites choses inutiles : c’est pourquoi les vrais hommes conscients vomissaient la philosophie et la religion ; voilà ce qui les rendait paisibles et si forts.

Il tremblait de blasphémer ; et pourtant le risque lui paraissait faible désormais ; déjà Dieu et les saints lui semblaient idées légères, même lointaines. Il s’apercevait qu’il ne recherchait plus aucune des preuves à lui données, fût-ce pour les discuter : la métaphysique et la théologie croulaient tout d’un coup dans la poussière sans que son