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LE MAL DES ARDENTS

ces yeux pas commodes ! Racontez-nous ça un peu, dites ?

Bernard s’apercevait avec stupeur que sa gêne dans cette conversation venait non de la liberté du sujet mais de n’avoir rien à dire ; il convenait qu’à l’instant il souhaitait sourdement d’avoir eu quelque aventure, d’avoir péché, qu’il se sentait inférieur ; il eut honte de lui-même et son esprit se perdait parmi les méandres compliqués des désirs, des scrupules, des remords mutuellement, instantanément et à l’infini engendrés.

On servait le café lorsque Claudie ayant jeté les yeux sur la pendule poussa un cri, prit les hommes à témoin de sa stupeur et de la vérité de son oubli, enfonça son chapeau d’un coup de poing, embrassa tout le monde et disparut en trombe dans l’escalier en criant : Qu’est-ce que la Première va me passer !

— Bah ! dit Blinkine, on la sait consciencieuse et c’est une ouvrière de premier ordre, on ne lui dira rien. Et maintenant que ce démon est parti, parlons un peu de toi, Bernard, que deviens-tu ?

Il s’expliqua, conta sa vie sans rien omettre d’essentiel, s’avoua fort embarrassé, demanda conseil. François fit une moue ; il avouait son incompétence et se désintéressait d’ailleurs de toutes les questions de cet ordre. Les seules choses qui pussent retenir son attention étaient, en dehors de la technique de son métier qu’il connaissait bien et où il cherchait à se perfectionner par tous les moyens, les livres