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LA JEUNESSE DE RABEVEL

Bernard se détourna, prit la rampe, mais Abraham arrivait :

— Comment ! c’est toi ! et tu t’en serais allé ! au lieu de claquer cette insupportable personne ?

Il envoya une tape amicale à la jeune femme qui feignit la douleur et tendit sa joue à Bernard avec une grâce irrésistible : « Bécot là, pour guérir ». Il la baisa du bout des lèvres. « Autre bécot, dit-elle, et mieux que ça ». Puis : « Encore un autre pour faire ami » et comme il se penchait de nouveau elle vira brusquement et écrasa sur la sienne une bouche humide comme un fruit. Il sourit.

— Ça va ? fit-elle en arrangeant ses cheveux. Cependant Blinkine philosophe et narquois s’amusait.

— Je vais te faire voir un oiseau plus rare et que tu aimeras mieux », lui dit-il. Il ouvrit la porte d’une petite pièce qui lui servait de salon et de bureau. « Regarde si tu reconnais ce monsieur ? »

C’était François.

— Eh ! que je suis content, mes enfants, disait un moment après Abraham tandis que la concierge, cuisinière de fortune, leur servait les huîtres : quelle veine de t’avoir là le jour de l’arrivée de François, mon pauvre Bernard ! Dire que j’ai hésité à venir te demander à ta boite ! Ah ! si les bons Frères savaient que tu déjeunes avec un juif, un mécréant et une fille folle de son corps !

— Une fille folle de son corps ! entendez comment il vous traite. Mâme la concierge, dit le friquet… À moins