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je te le demande, fais tes preuves ; je suis ton maître de gymnase, je vais te prescrire les différents genres de lutte que je trouverai et te dirai. Sois prêt à obéir et à faire ce que je commanderai. — Ordonne, lui dis-je, et tu vas voir mon adresse, ma souplesse, ma vigueur à l’action. »

9. À l’instant elle se déshabille, et, se tenant droite et nue, elle commence à me donner ses ordres : « Jeune homme, me dit-elle, habits bas ; frotte-toi de cette huile parfumée et embrasse ton adversaire ; renverse-le d’un croc-en-jambe, tiens-le sous toi, glisse ; un écart ; qu’on se fende, serre bien ; prépare ton arme, en avant : frappe, blesse, pénètre jusqu’à ce que tu sois las. De la force dans les reins ! Allonge maintenant ton arme, pousse-la par en bas ; de la vigueur ; vise au mur, frappe ; dès que tu sens mollir, vite un dégagement et une étreinte ; tiens ferme ; pas tant de précipitation ; un temps d’arrêt ; allons ! au but ! te voilà quitte. »

10. J’eus bientôt exécuté tous ces mouvements, et quand notre exercice eut pris fin, je dis en riant à Palestra : « Eh bien ! mon maître, tu vois que je ne manque, à la lutte, ni d’adresse ni de bonne volonté ; mais fais-y attention, mets de l’ordre dans tes commandements, ne les donne pas ainsi coup sur coup. » Mais elle, m’appliquant un léger soufflet : « Ô le mauvais écolier ! dit-elle. Prends garde de recevoir bien d’autres corrections, si tu ne fais pas les mouvements prescrits. » Cela dit, elle se lève, et, se rajustant : « C’est à présent qu’il faut nous faire voir, dit-elle, si tu es un jeune et vigoureux jouteur, habile à la lutte et sachant combattre à genoux. » Cela dit, elle tombe sur les genoux au milieu du lit : « Çà, beau lutteur, dit-elle, te voilà au milieu ! Tiens ce trait acéré, pousse et enfonce ; vois ton adversaire nu, ne l’épargne pas, et d’abord il est à propos de le serrer comme un nœud ; penche-le ensuite, fonds dessus, saisis-le de près et ne laisse aucun intervalle entre vous. S’il commence à lâcher prise, ne perds pas un instant, enlève-le, tiens-le en l’air, frappe-le en-dessous et prends garde de reculer sans en avoir reçu l’ordre ; fais-le coucher, contiens-le, donne-lui de nouveau un croc-en-jambe, afin qu’il ne t’échappe pas ; tiens-le bien et presse ton mouvement ; lâche-le, il est terrassé, le voilà tout en nage. » Je pars alors d’un grand éclat de rire, puis je reprends : « Je veux aussi, mon maître, te prescrire un petit exercice. Obéis-moi : relève-toi, demeure assise, avance une main officieuse, caresse-moi doucement, promène-la sur moi, enlace-moi bien, par Hercule ! et fais-moi dormir. »