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gens qui allaient à Hypate, ville de Thessalie, de laquelle ils étaient. Nous marchons de compagnie, mettant nos vivres en commun, et, trompant ainsi l’ennui du voyage, nous approchons de la ville. Là je m’enquiers auprès de mes Thessaliens s’ils ne connaissent pas un habitant d’Hypate, nommé Hipparque, pour qui j’avais une lettre et chez lequel je comptais loger. Ils me disent qu’ils connaissent cet Hipparque, m’indiquant l’endroit de la ville où est sa maison, et ajoutent qu’il avait de l’aisance, quoiqu’il ne nourrît qu’une servante pour lui et pour sa femme, étant horriblement avare. Quand nous sommes tout à fait près de la ville, nous avisons un jardin et une maisonnette assez propre. C’était la demeure d’Hipparque.

2. Mes compagnons me quittent en me faisant leurs adieux. Je m’approche de le porte, je frappe ; après bien de la peine, une femme m’entend et s’avance enfin. Je lui demande si Hipparque est chez lui : « Il y est, dit-elle ; mais qui êtes-vous ? Que voulez-vous lui demander ? — J’ai, lui dis-je, une lettre à lui remettre de la part de Décrianus le sophiste, de Patras. — Attendez ici, » me dit-elle ; et, fermant la porte, elle rentre dans l’intérieur. Un instant après, elle revient et nous fait entrer. Introduit près d’Hipparque, je le salue et lui présente ma lettre. Il venait de se mettre à table ; il était couché sur un lit fort étroit, sa femme auprès de lui, et devant eux une table non servie. À peine a-t-il jeté les yeux sur la lettre : « Ah ! quel ami, dit-il, que Décrianus ! C’est bien le meilleur des Grecs de m’envoyer ainsi, en toute confiance, un de ses intimes ! Ma maison est petite, vous le voyez, Lucius, mais elle est raisonnable pour celui qui l’habite, et vous la rendrez grande, si vous voulez être indulgent pour mon hospitalité. » Appelant alors la jeune servante : « Palestra, donne à notre hôte une chambre, places-y son petit bagage, puis conduis-le au bain, car il a fait une longue route. »

3. Quand il a fini, la servante Palestre me mène à une jolie petite chambre : « Vous, me dit-elle, voici le lit où vous coucherez, et j’arrangerai un matelas pour votre valet, avec un oreiller. » Après qu’elle a dit ces mots, nous sortons pour aller nous baigner, lui donnant de quoi acheter de l’orge à mon cheval. Pendant ce temps-là, elle porte toutes nos affaires dans l’intérieur et les met en place. Au retour du bain, nous entrons dans la salle. Hipparque, me prenant par la main, me fait asseoir à côté de lui. La chère était honnête, le vin agréable et vieux. Après le repas, on se met à boire et à deviser, comme il est d’usage quand on traite un hôte ; enfin, la soirée passée à boire, nous allons nous