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DE LA DANSE.

sa fille jusque chez les Perses ; et à une époque antérieure, l’indiscrétion de Tantale, le banquet qu’il offre aux dieux, Pélops préparé comme un mets et son épaule d’ivoire.

[55] En Italie, c’est l’Éridan, Phaéthon, ses sœurs changées en peupliers et versant des larmes d’ambre[1].

[56] Le danseur connaîtra, en outre, les Hespérides, le dragon gardien des pommes d’or, le travail d’Atlas, Géryon et les bœufs enlevés d’Érythée.

[57] Il n’ignorera pas non plus toutes les métamorphoses mythiques, les changements en arbres, en bêtes, en oiseaux, les hommes devenus femmes, tels que Cénéus, Tirésias et d’autres encore.

[58] La Phénicie possède Myrrha et le double deuil assyrien : le danseur doit connaître ces faits, et les histoires plus récentes, tout ce qu’Antipater entreprit après la monarchie des Macédoniens, et l’amour inspiré à Séleucus par Stratonice.

[59] Qu’il connaisse encore les mystères les plus secrets des Égyptiens et qu’il en exprime quelques-uns par ses gestes, je veux dire Épaphus, Osiris, la métamorphose des dieux en animaux ; mais surtout qu’il parle de leurs amours, y compris celles de Jupiter, et toutes les différentes formes dont il s’est revêtu.

[60] Il saura aussi toute la tragédie infernale, les supplices et les causes qui les ont provoqués, l’amitié de Thésée et de Pirithoüs jusque chez Pluton.

[61] En un mot, il ne doit rien ignorer de tout ce qu’ont écrit Homère, Hésiode et les bons poëtes, notamment les tragiques. D’une multitude infinie de traits de ce genre, je n’ai choisi qu’un petit nombre et je n’ai rapporté que les plus remarquables, laissant le reste à chanter aux poëtes et à représenter aux danseurs : pour toi, tu trouveras facilement, guidé par la ressemblance, tous ceux que le danseur doit avoir présents à la mémoire et réservés, pour ainsi dire, en magasin, afin d’en faire usage à l’occasion.

[62] D’autre part, comme son talent est d’imiter et d’exprimer par des gestes ce que disent les chanteurs, il faut qu’à l’exemple des orateurs, il s’exerce à se rendre clair et intelligible, afin qu’on puisse saisir chacune de ses intentions sans le secours d’un interprète. Il faut que celui qui voit danser puisse, comme le dit l’oracle d’Apollon Pythien, comprendre le muet et entendre le danseur qui garde le silence.

[63] C’est ce qui arriva, dit-on, à Démétrius le Cynique. Comme toi, il blâmait la danse, disant qu’avec la flûte, les syrinx, et le bruit des pieds, ce n’était qu’un hors-d’œuvre superflu, qui n’a-

  1. Voy. le traité de l’Ambre ou des Cygnes.