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des vivres et nous voilà partis. En moins de trois jours nous arrivons à l’île d’Ogygie, et nous débarquons. La première chose que je fis fut d’ouvrir la lettre d’Ulysse et j’y lus ces mots :

« Ulysse à Calypso, salut !

Sachez qu’aussitôt après vous avoir quittée, sur le radeau que je m’étais construit, j’ai fait naufrage, et que, sauvé à grand’peine par Leucothée, je suis arrivé chez les Phéaciens, qui m’ont reconduit dans ma patrie, où j’ai trouvé ma femme entourée d’une foule de prétendants qui mangeaient mon bien. Je les ai tués tous, et j’ai fini par périr moi-même de la main de Télégone, ce fils que j’ai eu de Circé. Je suis à présent dans l’île des Bienheureux, me repentant fort d’avoir quitté la vie que je menais près de vous, et l’immortalité que vous m’aviez offerte. À la première occasion, je m’échapperai et j’irai vous retrouver ».

Tel était le contenu de cette lettre, avec quelques recommandations pour nous.

36. En m’avançant à peu de distance de la mer, je trouvai cette grotte dont parle Homère, et Calypso elle-même occupée à filer de la laine. Elle prend la lettre, se met à la lire et fond en larmes : après quoi, elle nous offre l’hospitalité et nous traite avec magnificence. En même temps elle nous accable de questions sur Ulysse et sur Pénélope, si cette femme était aussi belle et aussi sage qu’Ulysse l’avait vantée auprès d’elle. À toutes ces demandes nous répondons du mieux qu’il nous est possible pour lui être agréables ; puis, le soir venu, nous allons dormir près du rivage.

37. Le lendemain, nous repartons : le vent soufflait avec violence, et nous sommes assaillis par une tempête qui dure deux jours. Le troisième, nous arrivons chez les Colokynthopirates. Ce sont des hommes sauvages, qui, des îles voisines, exercent la piraterie sur les navires en passage. Ils ont de grands navires, faits de coloquintes de six coudées de longueur : quand elles sont sèches, ils les creusent, après en avoir vidé l’intérieur, et les mettent à flot ; leurs mâts sont des roseaux et leurs voiles des feuilles de coloquinte. Ils coururent sur nous, et nous attaquant avec deux navires, ils blessèrent plusieurs de nos