Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/440

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui servent de coupes, de toute forme et de toute grandeur. Chaque convive, en arrivant au repas, cueille une ou deux de ces coupes, la place devant soi, et le vase se remplit aussitôt de vin : telle est leur manière de boire. En guise de couronnes, les rossignols et les autres oiseaux chanteurs font neiger de leurs becs sur la tête des convives des fleurs cueillies dans les prairies, et qu’ils répandent en gazouillant et en voltigeant. Quant aux parfums, des nuées épaisses, où se concentre la myrrhe des fontaines et du fleuve, demeurent suspendues au-dessus du banquet, et, doucement pressées par les vents, se résolvent en une pluie fine comme la rosée.

15. Pendant le repas, ils charment leurs loisirs avec de la musique et des chants, empruntés surtout aux poèmes d’Homère. Ce poète lui-même est assis à la table et partage le banquet, placé au-dessus d’Ulysse. Les chœurs sont composés de jeunes garçons et de jeunes filles : ils sont conduits et dirigés par Eunomus de Locres, Arion de Lesbos, Anacréon et Stésichore. Je l’ai vu là, en effet, réconcilié avec Hélène. Quand ces premiers chants ont cessé, vient un second chœur de cygnes, d’hirondelles, de rossignols ; et, pendant qu’ils chantent, la forêt tout entière, agitée par les vents, les accompagne de la flûte.

16. Mais ce qui fait surtout le charme de ce banquet, c’est qu’il y a deux sources, l’une du Rire et l’autre du Plaisir. Chaque convive, au commencement du festin, y va boire et passe ainsi le reste du repas dans le plaisir et dans le rire.

17. Je veux vous dire maintenant tous les grands hommes que j’y ai vus : d’abord, tous les demi-dieux et les héros qui ont porté les armes devant Troie, à l’exception d’Ajax de Locres : on prétend que c’est le seul qui soit châtié dans le séjour des impies ; puis, parmi les barbares, les deux Cyrus, le Scythe Anacharsis, le Thrace Zamolxis, l’Italien Numa, le Lacédémonien Lycurgue, les Athéniens Phocion, Tellus, et les Sept Sages, hormis Périandre. Je vis Socrate, fils de Sophronisque, babillant avec Nestor et Palamède : il avait autour de lui Hyacinthe de Lacédémone, Narcisse de Thespies, Hylas et plusieurs autres jolis garçons. Il me sembla qu’il était amoureux d’Hyacinthe ; tout au moins avait-il beaucoup d’apparences contre lui. Aussi,