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intestins, ni foie ; mais il est velu et poilu intérieurement, en sorte que les enfants s’y blottissent, quand ils ont froid.

25. L’habillement des riches est de verre, étoffe moelleuse, celui des pauvres est un tissu de cuivre ; le pays produit en grande quantité ce métal, qu’ils travaillent comme de la laine, après l’avoir mouillé. Quant à leurs yeux, en vérité je n’ose dire comment ils sont faits, de peur qu’on ne me prenne pour un menteur, tant la chose est incroyable. Je me hasarderai pourtant à dire que leurs yeux sont amovibles : ils les ôtent quand ils veulent et les mettent de côté, jusqu’à ce qu’ils aient envie de voir ; alors, ils les remettent en place pour s’en servir, et, si quelques-uns d’entre eux viennent à perdre leurs yeux, ils empruntent ceux des autres et en font usage : il y a même des riches qui en gardent de rechange. Leurs oreilles sont de feuilles de platane, excepté celles des hommes nés d’un gland, qui les ont de bois.

26. Je vis une bien autre merveille dans le palais du roi. C’était un grand miroir, placé au-dessus d’un puits d’une profondeur médiocre. En y descendant, on entendait tout ce qui se dit sur la terre, et en levant les yeux vers le miroir, on voyait toutes les villes et tous les peuples, comme si l’on était au milieu d’eux. J’y vis mes parents et ma patrie ; je ne sais s’ils me virent aussi ; je n’oserais l’affirmer : mais, si l’on se refuse à me croire, on y verra bien, en y allant, que je ne suis pas un imposteur.

27. Cependant, après avoir salué le roi et ses amis, nous mettons à la voile. Endymion me fit présent de deux tuniques de verre, de cinq robes de cuivre et d’une armure complète de cosses de lupins ; mais j’ai laissé tout cela dans la baleine. Il nous donna pour escorte mille Hippogypes, qui nous accompagnèrent l’espace de cinq cents stades.

28. Nous côtoyons alors beaucoup de pays différents, et nous abordons à l’Étoile du Matin, où était la nouvelle colonie, pour débarquer et faire de l’eau. De là, nous dirigeant vers le Zodiaque, et laissant le Soleil à gauche, nous naviguons presque à fleur de terre, sans pouvoir descendre, malgré le désir de mes amis, mais le vent nous était contraire. Nous voyons, toutefois, une contrée fertile, couverte de bocages, riche de tous les biens. Les Néphélocentaures, mercenaires de Phaéthon, nous ayant aperçus, volèrent sur notre navire, mais à la nouvelle du traité ils se retirèrent ; heureusement, car nos Hippogypes étaient déjà repartis.