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PLUTON, CRÉSUS, MIDAS, SARDANAPALE ET MÉNIPPE.


Crésus

Nous ne pouvons supporter, Pluton, que ce chien de Ménippe demeure avec nous : envoie-le s’établir ailleurs, ou bien nous émigrerons dans un autre endroit.

Pluton

Hé ! quel mal vous a-t-il donc fait ? Il est mort comme vous !

Crésus

Dès que nous gémissons et que nous nous rappelons avec regret les choses de là-haut, Midas son or, Sardanapale ses plaisirs, et moi mes trésors, il se met à rire, il nous insulte, il nous appelle esclaves, coquins ; d’autres fois, il chante pour troubler nos lamentations ; enfin, il est insupportable.

Pluton

Que disent-ils, Ménippe ?

Ménippe

La vérité, Pluton : je déteste ces lâches, ces misérables, qui, non contents d’avoir mal vécu, se rappellent, tout morts qu’ils sont, et regrettent les choses de là-haut ; je suis charmé de les vexer.

Pluton

C’est mal : ils sont assez punis par l’étendue de leur perte.

Ménippe

Toi aussi tu es fou, Pluton, d’approuver leurs regrets.

Pluton

Je ne les approuve pas ; mais je ne puis souffrir qu’il y ait sédition parmi vous.

Ménippe

Cela ne fait rien : vous, les plus méchants des Lydiens, des Phrygiens et des Assyriens, sachez bien que je ne vous lâcherai pas ; partout où vous irez, je vous suivrai pour vous molester, pour vous chanter aux oreilles et me moquer de vous.

Crésus

Quoi ! ce n’est pas là un outrage ?

Ménippe

Non ! l’outrage, c’était votre conduite, quand vous vouliez qu’on vous adorât, quand vous faisiez les insolents avec des hommes libres, quand vous oubliiez complètement qu’il faut mourir ! Pleurez donc, aujourd’hui que vous avez perdu tout cela !

Crésus

Où sont, grands dieux, mes immenses richesses ?

Midas

Où est mon or ?

Sardanapale

Où sont mes plaisirs ?

Ménippe

À la bonne heure ! Pleurez donc, pendant que je vous cornerai