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qu’il ne l’a cru, songea-t-elle, de me décider à faire ce que je veux. Elle remet dans la valise le chiffon, revêt sa robe de linge et n’accorda pas à la chaleur ce que l’amour n’avait pas su vouloir, tout seul. Si nul instant ne méritait notre sincérité plenière ? Si nul amour ne valait qu’on soit nue ?

Dans une solitude de montagnes, un petit torrent les tenta. L’envie les prit de lutter avec ce froid vif, inopiné parmi l’été, de surmener en s’y plongeant leurs mollesses d’amants ; de s’y trouver héroïques et rudes, sauvés de la langueur des chambres.

Cette ivresse lui est plus fraternelle que les conseils de la chaleur. Le froid lui sied, la veut, il est son élément, vivace comme l’air quand on n’y a rien mis. Il a cette autre ardeur plus forte que l’été. Lilo va donc céder à ce petit torrent, et comme ils n’ont pas de costumes… ce grand pas vers la liberté sera franchi… Mais pourtant, c’est l’amour qui doit une première fois obtenir cela d’elle ; si tel autre incident l’y aide, il ne faut pas ! Et cette fois encore, elle se sèvrera d’une fête de chair, elle renonce au joyeux soufflet du torrent pour laisser à l’amour tout le chemin à faire et ne sera pas nue en face de l’amour une première fois, pour le plaisir d’un bain trop frais.

Assurément « heureuse » mais non à la façon qu’elle avait préparée, c’est ainsi que d’un peu partout, Lilo revient toujours avec sa gaze rose, sans l’avoir dépliée.