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cialement ce soir. Mais que sait-on ? Il est du moins question de s’occuper d’aimer. Toujours est-il qu’elle faufile à la volée un transparent froc rose, au travers duquel ses doigts blonds n’ont plus, qu’un air subtil d’oiseaux pris dans de l’aube. On a frappé ! Vite elle cache son ouvrage. Tout ce que fait Lilo est illicite, étant nouveau. Ah ! qui jamais a cru que les époux sont libres de s’aimer. Le mariage est la conjuration, contre l’amour, de mille incidents perpétuels et nécessaires, et de personnes indispensables qui interrompent tout frisson.

La solitude se reforme. Mais Lilo ne tire qu’à demi de la corbeille, son étoffe insolite pour pouvoir la dissimuler facilement en cas de surprise nouvelle. Tout en cousant, elle médite : après quelques mois d’émouvante ardeur, ces époux qui ont l’à-propos, s’appartiennent à point. Cela en toute discrétion, par élan de communion amoureuse. Mais Lilo croit à des fêtes autres, esthétiques et proches, où l’extase pourrait naître de la beauté, plutôt que de l’amour, ce grand benêt trop doux. Et patiemment elle essaye sa gaze rose dans laquelle un jour elle oserait être nue. Quand ? elle ne sait trop. Elle voudrait saisir le tout prochain voyage. Changer de pays permet d’autres habitudes. Le tout est d’être prête et sûre d’un chiffon qui ne la change pas et qui soit presque chaste. Cela doit être flou comme un nuage et ne marquer aucune forme. Et cela doit être assez ample, assez touffu pour que la chrysalide humaine, ne fasse plus au centre de l’étoffe, que l’effet d’une âme trop vive.