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des mœurs de l’antiquité que ce désir général, non de détruire le privilège, mais de compter au nombre des privilégiés. Dans la cité non moins que dans l’État, les révoltés ou les mécontents ne cherchaient pas, comme dans nos sociétés modernes, à renverser, mais à parvenir. Ainsi chacun, suivant sa position, aspirait à un but légitime : les plébéiens, à entrer dans l’aristocratie, non à la détruire ; les peuples italiques, à avoir une part dans la souveraineté de Rome, non à la contester ; les provinces romaines, à être déclarées alliées et amies de Rome, et non à recouvrer leur indépendance.

Les peuples pouvaient juger, d’après leur conduite, quel sort leur serait réservé. Les intérêts mesquins de cité étaient remplacés par une protection efficace et par des droits nouveaux plus précieux souvent, aux yeux des vaincus, que l’indépendance même. C’est ce qui explique la facilité avec laquelle s’établit la domination romaine. On ne détruit, en effet, sans retour que ce que l’on remplace avantageusement.

Un coup d’œil rapide sur les guerres qui amenèrent la conquête de l’Italie nous montrera comment le sénat appliquait les principes indiqués plus haut ; comment il sut profiter des divisions de ses adversaires, réunir toutes ses forces pour en accabler un ; après la victoire, s’en faire un allié ; se servir des armes et des ressources de cet allié pour subjuguer un autre peuple ; briser les confédérations qui unissaient entre eux les vaincus ; les attacher à Rome par de nouveaux liens ; établir sur tous les points stratégiques importants des postes militaires ; enfin, répandre partout la race latine, en distribuant à des citoyens romains une partie des terres enlevées à l’ennemi.

Mais, avant d’entrer dans le récit des événements, nous devons nous reporter aux années qui précédèrent immédiatement la pacification du Latium.