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contre l’autorité d’un chef unique : tout fut inutile, et le meurtre même des rois fortifia la royauté. Mais, une fois le moment venu où ils cessent d’être indispensables, le plus simple accident les précipite. Un homme abuse d’une femme, le trône s’écroule, et, en tombant, il se partage en deux : les consuls succèdent à toutes les prérogatives des rois[1]. Rien n’est changé dans la République, si ce n’est qu’au lieu d’un chef électif à vie il y aura désormais deux chefs élus pour un an. Cette transformation est évidemment l’œuvre de l’aristocratie ; les sénateurs veulent gouverner eux-mêmes, et, par ces élections annuelles, chacun espère prendre à son tour sa part de la souveraine puissance. Voilà le calcul étroit de l’homme et son mobile mesquin. Voyons à quelle impulsion supérieure il obéissait sans le savoir.

Ce coin de terre, situé au bord du Tibre et prédestiné à l’empire du monde, renfermait en lui, on le voit, des germes féconds qui demandaient une expansion rapide. Elle ne pouvait s’effectuer que par l’indépendance absolue de la classe la plus éclairée, s’emparant à son profit de toutes les prérogatives de la loyauté. Le régime aristocratique a cet avantage sur la monarchie, qu’il est plus immuable dans sa durée, plus constant dans ses desseins, plus fidèle aux traditions, et qu’il peut tout oser, parce que là où un grand nombre se partage la responsabilité, personne n’est indivi-

    voir était de cinq jours, et chacun l’exerçait à son tour… La plèbe ne tarda pas à murmurer. On n’avait fait qu’aggraver sa servitude : au lieu d’un maître, elle en avait cent. Elle paraissait disposée à ne plus souffrir qu’un roi, et à le choisir elle-même. » (Tite-I.ive, I, xvii.)

  1. « Au reste, cette liberté consista d’abord plutôt dans l’élection annuelle des consuls que dans l’affaiblissement de la puissance royale. Les premiers consuls en prirent toutes les prérogatives, tous les insignes ; seulement on craignit que, s’ils avaient tous deux les faisceaux, cet appareil n’inspirât trop de terreur, et Brutus dut à la déférence de son collègue de les avoir le premier. » (Tite-Live, II, i.)