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lui avait déjà réussi pour priver César du triomphe[1]. Celui-ci perdit patience, et fit conduire en prison l’orateur obstiné ; Caton fut suivi d’un grand nombre de sénateurs, et M. Petreius, l’un d’eux, répondit au consul, qui lui reprochait de se retirer avant que la séance fût levée : « J’aime mieux être en prison avec Caton qu’ici avec toi. » Regrettant néanmoins ce premier mouvement de colère, et frappé de la démonstration de l’assemblée, César rendit aussitôt la liberté à Caton ; puis il congédia le sénat et lui adressa ces paroles : « Je vous avais faits juges et arbitres suprêmes de cette loi, afin que, si quelqu’une de ses dispositions vous déplaisait, elle ne fût pas portée devant le peuple ; mais, puisque vous avez refusé la délibération préalable, le peuple seul décidera. »

Sa tentative de conciliation ayant échoué auprès du sénat, il la renouvela auprès de son collègue, et, dans l’assemblée des tribus, adjura Bibulus de soutenir sa proposition. De son côté, le peuple joignit ses instances à celles de César, mais le consul, inflexible, se contenta de dire : « Vous ne l’obtiendrez pas, quand même vous le voudriez tous, et, tant que je serai consul, je ne souffrirai aucune innovation[2]. »

Alors César, jugeant d’autres influences nécessaires, fit appel à Pompée et à Crassus. Pompée saisit avec bonheur cette occasion de parler au peuple ; il dit que non-seulement il approuvait la loi agraire, mais que les sénateurs eux-mêmes en avaient admis autrefois le principe, en décrétant, lors de son retour d’Espagne, une distribution de terres à ses soldats et à ceux de Metellus ; si cette mesure avait été différée, c’était à cause de la pénurie du trésor, qui, grâce à lui, avait cessé maintenant ; ensuite, répondant à César, qui lui demandait s’il appuierait la loi dans le cas où on s’y

  1. Ateius Capiton, Traité sur les devoirs du sénateur, cité par Aulu-Gelle, IV, x. — Valère Maxime, II, x, § 7.
  2. Dion-Cassius, XXXVIII, iv.