Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire fléchir ses principes[1]. Cicéron ne se montrait pas plus austère, et il exprimait, quelque temps auparavant, à Atticus, la nécessité d’acheter le concours des chevaliers[2]. Les plus honnêtes, on le voit, étaient entraînés par la force des choses dans le courant d’une société corrompue.

Porté par le sentiment public et l’appui des deux hommes les plus influents, César fut élu consul à l’unanimité, et reconduit, selon l’usage, du Champ-de-Mars dans sa maison, au milieu du concours empressé de ses concitoyens et d’un grand nombre de sénateurs[3].

Si le parti opposé à César n’avait pu l’empêcher d’arriver au consulat, il ne désespérait pas de lui interdire le rôle important qui devait lui appartenir comme proconsul. Dans cette intention, le sénat se décida à éluder la loi de Caius Gracchus, qui, afin d’éviter que la désignation des provinces fût faite en vue des personnes, voulait qu’elle eût lieu avant la tenue des comices. L’assemblée, s’écartant donc de la règle, assigna à César et à son collègue, par un mauvais vouloir flagrant, la surveillance des bois et des chemins publics, fonctions assimilées, il est vrai, à celles de gouverneur de province[4]. Cette humiliante désignation, preuve d’une inimitié persévérante, le blessa profondément ; mais les devoirs de sa nouvelle dignité imposèrent silence à ses ressentiments ; le consul allait oublier les injures faites à César et tenter avec générosité une politique de conciliation.

  1. Plutarque, Caton, xxvi, et Suétone, xix.
  2. « Mais, direz-vous, nous n’aurons les chevaliers pour nous qu’à prix d’argent ? Qu’y faire ?… Avons-nous le choix des moyens ? (Cicéron, Lettres à Atticus, II, i.)
  3.  « Inde domum repetes toto comitante senatu,
    Officium populi vix capiente domo
    . »

    (Ovide, Ex Ponto, IV, epist. iv.)
  4. Suétone, César, xix.