Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haute idée de lui-même, il jouissait d’une trop grande considération, pour penser arriver au pouvoir par une voie souterraine et des moyens réprouvés. Quelque ambitieux que soit un homme, il ne conspire pas lorsqu’il peut atteindre son but par des moyens légaux. César était bien sûr d’être porté au consulat, et jamais son impatience ne trahit son ambition. De plus, il avait constamment montré une aversion prononcée pour la guerre civile ; et comment se serait-il jeté dans une conspiration vulgaire avec des individus décriés, lui qui refusa de participer aux tentatives de Lepidus, alors à la tête d’une armée ? Si Cicéron avait cru César coupable, aurait-il hésité à l’accuser, quand il n’avait pas craint de compromettre, à l’aide d’un faux témoin, un personnage aussi important que Licinius Crassus[1] ? Comment, la veille de la condamnation, aurait-il confié à César la garde d’un des conjurés ? L’aurait-il disculpé lui-même dans la suite, lorsque l’accusation fut renouvelée ? Enfin, si César, comme on le verra plus loin, d’après Plutarque, préférait être le premier dans une bourgade des Alpes que le second dans Rome, comment aurait-il consenti à être le second de Catilina ?

L’attitude de César dans ce procès n’a donc rien qui ne se puisse expliquer simplement. Tout en blâmant la conjuration, il ne voulait pas qu’on s’écartât, pour la réprimer, des règles éternelles de la justice. Il rappelle à des hommes aveuglés par la passion et la crainte que les violences inutiles ont toujours amené des réactions funestes. Les exemples tirés de l’histoire lui servent à prouver que la modération est toujours la meilleure conseillère. Il est clair aussi que, tout en méprisant la plupart des auteurs du complot, il n’était pas sans sympathie pour une cause qui

  1. « Et j’ai moi-même entendu plus tard Crassus dire hautement qu’un si cruel affront lui avait été ménagé par Cicéron. » (Salluste, Catilina, xlviii.)