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débats, firent irruption dans l’assemblée ; ils entourèrent César en proférant des menaces, et, malgré sa qualité de grand pontife et celle de préteur désigné, ils dirigèrent contre lui leurs épées, que M. Curion et Cicéron détournèrent avec générosité[1]. Leur protection lui permit de regagner sa demeure : il déclara toutefois qu’il ne reparaîtrait au sénat que lorsque de nouveaux consuls sauraient y assurer l’ordre et la liberté des délibérations.

Cicéron, sans perdre de temps, alla avec les préteurs chercher les condamnés et les conduisit dans la prison du Capitole, où ils furent immédiatement exécutés. Alors la foule inquiète, ignorante de ce qui se passait, demandant ce qu’étaient devenus les prisonniers, Cicéron répondit ces simples mots : « Ils ont vécu[2]. »

Il est facile de se convaincre que César n’était point un conspirateur ; mais cette accusation s’explique par la pusillanimité des uns et la rancune des autres. Qui ne sait que, dans les temps de crise, les gouvernements faibles taxent toujours de complicité la sympathie pour les prévenus et ne ménagent point la calomnie à leurs adversaires ? Q. Catulus et C. Pison étaient animés contre lui d’une haine si ardente, qu’ils avaient obsédé le consul pour qu’il l’impliquât dans les poursuites dirigées contre les complices de Catilina. Cicéron avait résisté. Le bruit de sa participation au complot ne s’en était pas moins répandu, et il avait été accueilli avec empressement par la foule des envieux[3]. César n’était pas du nombre des conjurés ; s’il en eût été, son influence aurait suffi pour les faire absoudre en triomphe[4]. Il avait une trop

  1. Salluste, Catilina, xlix.
  2. Suétone, César, viii.
  3. Salluste, Catilina, xlix.
  4. « On craignait son pouvoir et le grand nombre d’amis dont il était soutenu, car tout le monde était persuadé que les accusés seraient enveloppés dans l’absolution de César, bien plutôt que César dans leur châtiment. » (Plutarque, Cicéron, xxvii.)