Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À ce noble langage, qui révèle l’homme d’État, comparons les discours déclamatoires des orateurs qui concluaient à la peine de mort : « Je veux, s’écrie Cicéron, arracher aux massacres vos femmes, vos enfants et les saintes prêtresses de Vesta ; aux plus affreux outrages, les temples et les sanctuaires ; notre belle patrie, au plus horrible incendie ; l’Italie, à la dévastation[1]… Les conjurés veulent tout égorger, afin qu’il ne reste plus personne pour pleurer la République et se lamenter sur la ruine d’un si grand empire[2]… » Et quand il parle de Catilina : « Est-il dans toute l’Italie un empoisonneur, est-il un gladiateur, un brigand, un assassin, un parricide, un fabricateur de testaments, un suborneur, un débauché, un dissipateur, un adultère ; est-il une femme décriée, un corrupteur de la jeunesse, un homme taré, un scélérat enfin, qui n’avoue avoir vécu avec Catilina dans la plus grande familiarité[3] ? » Certes, ce n’est point là le langage froid et impartial qui convient au juge.

Cicéron fait bon marché de la loi et des principes ; il lui faut, avant tout, des arguments pour sa cause, et il va chercher dans l’histoire les faits qui peuvent l’autoriser à mettre à mort des citoyens romains. Il vante, comme un exemple à suivre, le meurtre de Tiberius Gracchus par Scipion Nasica, celui de Caius Gracchus par le consul Lucius Opimius[4], oubliant que naguère, dans une harangue fameuse, il appelait les deux célèbres tribuns les plus brillants génies, les vrais amis du peuple[5], et que les meurtriers des Gracques, pour avoir fait massacrer des personnages inviolables, furent en butte à la haine et au

  1. Cicéron, Quatrième Catilinaire, i.
  2. Cicéron, Quatrième Catilinaire, ii.
  3. Deuxième Catilinaire, iv.
  4. Première Catilinaire, i, ii.
  5. Deuxième Discours sur la loi agraire, v.