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Et vous, Pères conscrits, prenez garde que le crime de P. Lentulus et de ses complices ne l’emporte sur le sentiment de votre dignité, et ne consultez pas votre colère plutôt que votre réputation. En effet, s’il se trouve une peine égale à leurs forfaits, j’approuverai la mesure nouvelle ; si, au contraire, la grandeur du crime surpasse tout ce qu’on peut imaginer, il faut, je le pense, s’en tenir à ce qui a été prévu par les lois.

La plupart de ceux qui ont énoncé avant moi leur opinion ont déploré en termes étudiés et pompeux le malheur de la République ; ils ont énuméré les horreurs de la guerre et les maux des vaincus, le rapt des jeunes filles et des jeunes garçons, les enfants arrachés des bras de leurs parents, les mères livrées aux caprices du vainqueur, le pillage des temples et des maisons, le carnage, l’incendie, partout enfin les armes, les cadavres, le sang et le deuil. Mais, par les dieux immortels, à quoi tendent ces discours ? À vous faire détester la conjuration ? Eh quoi ! celui qu’un attentat si grand et si atroce n’a pas ému, un discours l’enflammera ! Non, il n’en est pas ainsi ; jamais les hommes ne trouvent légères leurs injures personnelles ; beaucoup les ressentent trop vivement. Mais, Pères conscrits, ce qui est permis aux uns ne l’est pas aux autres. Ceux qui vivent humblement dans l’obscurité peuvent faillir par emportement, peu de gens le savent ; tout est égal chez eux, renommée et fortune ; mais ceux qui, revêtus de hautes dignités, passent leur vie en évidence, ne font rien dont chaque mortel ne soit instruit. Ainsi, plus haute est la fortune et moins grande est la liberté ; moins il convient d’être partial, haineux et surtout colère. Ce qui chez les autres se nomme emportement, chez les hommes du pouvoir s’appelle orgueil et cruauté.

Je pense donc, Pères conscrits, que toutes les tortures n’égaleront jamais les forfaits des conjurés ; mais, chez la