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le droit de condamner un citoyen romain sans le concours du peuple. Quoi qu’il en soit, les sénateurs s’assemblèrent une dernière fois le 5 décembre pour délibérer sur la peine à porter contre les conjurés ; ils étaient moins nombreux que les jours précédents. Beaucoup d’entre eux répugnaient à rendre une sentence de mort contre des citoyens appartenant à de grandes maisons patriciennes. Plusieurs, cependant, opinèrent pour la peine capitale, malgré la loi Porcia. Après eux, César prononça le discours suivant, dont la portée mérite une attention particulière :

« Pères conscrits, tous ceux qui délibèrent sur des affaires douteuses doivent être exempts de haine, d’affection, de colère et de pitié. Animé de ces sentiments, on parvient difficilement à démêler la vérité, et jamais personne n’a pu à la fois servir sa passion et ses intérêts. Dégagez votre raison de ce qui l’offusque, et vous serez forts ; si la passion s’empare de votre esprit et le domine, vous serez sans force. Ce serait ici l’occasion, Pères conscrits, de rappeler combien de rois et de peuples, entraînés par la colère ou la pitié, ont pris de funestes résolutions ; mais j’aime mieux rapporter ce que nos ancêtres, en résistant à la passion, ont su faire de bon et de juste. Dans notre guerre de Macédoine contre le roi Persée, la république de Rhodes, puissante et fière, qui devait sa grandeur à l’appui du peuple romain, se montra déloyale et hostile ; mais, lorsque, la guerre terminée, on délibéra sur le sort des Rhodiens, nos ancêtres les laissèrent impunis, afin que personne n’attribuât la cause de la guerre à leurs richesses plutôt qu’à leurs torts. De même, dans toutes les guerres puniques, quoique les Carthaginois eussent souvent, soit pendant la paix, soit pendant les trêves, commis d’atroces perfidies, jamais nos pères, malgré l’occasion, ne les imitèrent, plus soucieux de leur honneur que d’une juste vengeance.