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lui-même, après la défaite d’Annibal, sert de lieutenant à son frère dans la guerre contre Antiochus.

Tout sacrifier à la patrie est le premier devoir. En se dévouant aux dieux infernaux, comme Curtius et comme les deux Decius, on croit acheter, au prix de sa vie, le salut des autres ou la victoire[1]. — L’observation de la discipline va jusqu’à la cruauté : Manlius Torquatus, à l’exemple de Postumius Tubertus, punit par la mort la désobéissance de son fils, quoique vainqueur. Les soldats qui ont fui sont décimés, ceux qui abandonnent leurs rangs ou le champ de bataille sont voués, les uns au supplice, les autres au déshonneur, et l’on repousse, comme indignes d’être rachetés, les prisonniers faits par l’ennemi[2].

Entourée de voisins belliqueux, Rome devait en triompher ou cesser d’exister ; — de là cette supériorité dans l’art de la guerre, car, ainsi que le dit Montesquieu, dans les guerres passagères, la plupart des exemples sont perdus ; la paix donne d’autres idées, et l’on oublie ses fautes et ses vertus mêmes ; — de là ce mépris de la trahison et ce dédain des avantages qu’elle promet : Camille renvoie à leurs parents les enfants des premières familles de Faléries, livrés par leur instituteur ; le sénat rejette avec indignation l’offre du médecin de Pyrrhus, proposant d’empoisonner ce prince ; — de là cette religion du serment et ce respect des engagements contractés : les prisonniers romains auxquels Pyrrhus avait permis de se rendre à Rome pour les fêtes de Saturne retournent tous auprès de lui sans manquer à leur parole, et Regulus laisse l’exemple le plus mémorable de la fidélité à la foi jurée ; — de là cette politique habile et inflexible qui refuse la paix après une défaite, ou un traité avec l’ennemi tant qu’il est sur le sol de la patrie ; qui se

  1. Aurelius Victor, Hommes illustres, xxvi et xxvii.
  2. Tite-Live, IX, x.