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ESSAI HISTORIQUE SUR LE NORD DE L’INDO-CHINE.

constate que sous les Yuen, cette ville faisait partie du pays de Tche-li. Il est probable qu’il s’étendait jusqu’à la vallée de la branche orientale du fleuve du Tong-king. Le nom de Pa-pien kiang, que donnent les Chinois à la rivière qui vient de King-tong, est peut-être une réminiscence du nom des Pa-pe, désignation ethnique chinoise qui paraît s’être appliquée à tous les Thai compris entre Xieng Mai et Muong La. Les spécimens d’écriture pa-pe donnés par le P. Amyot indiquent que leur civilisation leur est venue du royaume de Vien Chan et du Cambodge. Les Pa-y, au contraire, tout en parlant exactement la même langue, semblent avoir emprunté leur écriture aux Tibétains[1]. D’après le vocabulaire déjà cité, leur nom chinois de Pe-y répondrait, dans leur propre langue, au mot Lieou-tai[2]. Il doit désigner l’un des muongs disséminés dans les vallées du Nam Hou et du Long Coi, peut-être Muong Hou tai. Le territoire de la ville de Yuen-kiang, qui fut fondée par les Yuen, à l’époque où nous sommes arrivés, appartenait aux Pa-y et s’appelait Muong Choung ; Muong Ya était dans le voisinage. Nous avons vu dans le chapitre précédent que cette région est aujourd’hui encore presque exclusivement peuplée par les Pa-y.

Dès 1292, d’après une chronique de Xieng Hong, le tribut que le royaume de Tche-li devait payer à l’empereur fut fixé aux objets suivants : une cymbale et six fleurs en or, une cymbale et six fleurs en argent, chacune du poids de six ticaux ; un cierge doré pesant deux livres, quatre pièces de soie, vingt blocs de sel, un cheval du prix de six hongs. On devait donner en outre à l’officier chargé de recevoir ces objets, six hongs d’argent.

En 1319, malgré les créations administratives des Yuen dans la province du Yun-nan, les peuples de cette province parurent si difficiles à gouverner que la cour de Pékin résolut de les laisser eux-mêmes nommer leurs chefs. Cette sage résolution ne fut pas sans doute mise à exécution, car en 1330 une révolte formidable agita de nouveau le Yun-nan. Elle fut vaincue par le général mongol Kie-he, et à partir de ce moment le pouvoir des princes mongols paraît s’établir solidement dans cette province. Elle fut la dernière de l’empire à reconnaître l’autorité des Ming, quand ceux-ci réussirent à chasser la dynastie des Yuen. En 1381, Hong-wou, premier empereur des Ming, envoya Fou-yeou-te avec une armée de 300,000 hommes conquérir le Yun-nan, qui obéissait au prince mongol Patchalaourmi. Talina, généralissime des troupes du Yun-nan, fut battu à Kiu-tsing, par Lan-yu et Mou-yn, lieutenants de Fou-yeou-te. À la nouvelle de cette défaite, Patchalaourmi, sa famille et son ministre Ta-ti-lon se précipitèrent dans le lac de Yun-nan. Peu de jours après, l’armée chinoise entrait dans cette ville où elle ne commit aucun désordre. L’année suivante (1382), Fou-yeou-te eut encore à combattre les peuples d’Ou-san, Tong-tchouen et Man-pou. Il en fit un grand carnage, et leurs territoires furent réunis à la province du Se-tchouen. La conquête du Yun-nan fut complétée en 1383 par la paix de Li-kiang[3].

En 1409, deux chefs du Yun-nan et du Kouang-si, Kien-teng et Tchin-ki-lo profi-

  1. Ce rapprochement avait été fait déjà par M. Yule, Travels of Marco Polo, t. II, p. 81.
  2. Les lettres Si-san et les lettres Pe-y données par le P. Amyot (loc. cit.), offrent la plus grande analogie.
  3. De Mailla, op. cit., t. IX, p. 519, 552, 640 ; t. X, p. 67, 80.