Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/514

Cette page a été validée par deux contributeurs.
473
ORIGINE COMMUNE DES ANNAMITES ET DES LAOTIENS.

Hong, Xieng Tong, et Muong Lem. Ils s’appelaient A, Si et Yan. Cette division de la contrée en trois royaumes est attestée par le nom de Sam tao, qui en chinois signifie « les trois parts », donné au plateau qu’habitent les Does. Il est situé, comme nous l’avons vu, entre Xieng Hong et Xieng Tong, au sud de Muong Lem. C’est là que viennent aujourd’hui encore se rencontrer les limites de ces trois principautés. Xieng Hong s’appelait au moment de ce partage Tsén i fa ou Tsen vi foua. » Ce nom est maintenant le titre des gouverneurs indigènes, et il est facile à reconnaître dans la transcription Tche-li-fou, qui est le nom chinois de cette ville. On serait tenté de reconnaître dans Chao fa ouang, le fondateur de la dynastie des Tcheou qui, avant de prendre le titre de Wou ouang, portait le nom de Fa. Il fonda, disent les historiens chinois, le royaume de Youe et celui de Hou, sur les frontières du Se-tchouen[1]. Mais la chronique indigène ne compte que vingt-cinq souverains entre ses fils et le douzième siècle de notre ère. De ces souverains, elle n’a retenu que quelques noms : A Koung, Thau Luong, Thau Reng, Thau Kouva, Thau Ai, Thau Meng Kan, etc. Ces vingt-cinq règnes nous feraient à peine remonter à l’époque où nous sommes arrivés.

Si nous interrogeons maintenant les souvenirs des Laotiens du sud de la vallée du fleuve, nous nous trouverons en présence d’une origine certainement plus ancienne et de traditions historiques un peu plus complètes : « Après que Phya Then eut façonné le ciel et la terre, il y eut trois princes nommés Lanseun, Khun Khet et Khon Khan qui fondèrent des muongs et auxquels Phya Then prescrivit de vivre en paix et d’honorer les esprits des morts. Mais les hommes n’écoutèrent point ses ordres. Il fit tomber alors les pluies qui submergèrent un grand nombre d’habitants. Les hommes demandèrent grâce ; Phya Then leur envoya Phya Kun Borom pour les gouverner, et Phya Pitse nu kan (Prea pus nuca, le grand architecte du ciel), pour répandre l’abondance. Kun Borom fonda Muong Then au Tong-king. Il eut sept fils, Kun Lang, Kun Falang, Kun Chousoung, Kun Saifong, Kun Ngou En, Kun Lo Koung, et Kun Chetcheun. Le premier fonda Muong Choa, le second Muong Ho, selon les uns, et Hang Savady selon les autres ; le troisième, Muong Keo (Keo est le nom sous lequel, dans tout le Laos, on désigne les Annamites) ; le quatrième, Muong Zuon ou Muong Yong, selon les uns, et Xieng Mai selon les autres ; le cinquième, Muong Poueun suivant les uns, et suivant les autres Muong Ayathia (Siam) ; le sixième, Muong Phong ou Muong Sai Koun ; le septième, Muong Kham Kheut Kham Muong ou Muong Poueun.

« Khun Lang descendit la vallée du Nam Hou, vainquit les sauvages qui s’opposaient à son passage et dont le chef se nommait Choa. Il eut un fils nommé Kun Choa, qui fut le chef de la famille qui régna sur le Muong de ce nom. Kun Choa eut cinquante successeurs : Kun Soai, Kun Soun…, Kun Norong ou Phya Along, et Phya Alang. Celui-ci n’avait pas le cœur bon et fit la guerre au Muong Tungkho. Trois fois Muong Choa fut détruit sous son règne. »

C’est à partir de ce moment que l’histoire de Muong Choa, dont la capitale fut d’abord Luang Prabang, puis Vien Chan, devient plus détaillée et contient des dates. Nous sommes

  1. Voy. Duhalde, Description de l’empire chinois, t. I, p. 325.