Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/503

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exploitations sont aujourd’hui abandonnées. Mais l’on sent combien facilement on pourra, quand le calme sera revenu dans cette belle contrée, raviver la production et lui donner un essor plus considérable. Une législation plus libérale, des moyens d’exploitation plus perfectionnés, un débouché commercial permettant de faire arriver sans intermédiaire tous ces métaux dans un port européen, feraient de Yun-nan le marché métallurgique le plus important du globe. À ce point de vue, il est inutile d’insister sur les conséquences que pourrait avoir l’ouverture du fleuve du Tong-king, dérivant immédiatement vers le port de Saïgon les produits du Yun-nan.

En même temps que Yun-nan est, en temps ordinaire, l’entrepôt de grandes quantités de cuivre qui donnent lieu à d’actives transactions et à une fabrication importante d’ustensiles, cette ville possède aussi une fabrique de monnaie, créée en 1661, où l’on frappe une énorme quantité de sapèques. L’alliage dont est formée cette monnaie divisionnaire, se compose, sur 100 parties, de 54 de cuivre, 42,75 de zinc et 3,25 de plomb. On produisait annuellement à Yun-nan, avant la guerre, plus de 101 millions de sapèques, représentant au taux légal de 1,200 sapèques, pour un tael ou une once d’argent, une valeur de 650,000 francs environ. Le sapèque pèse à peu près quatre grammes et demi. Depuis la guerre, cette production a beaucoup diminué ; les nécessités du moment ont amené à modifier l’alliage et à augmenter la quantité de zinc. La valeur de cette monnaie ainsi altérée, est devenue sujette à de nombreuses fluctuations : des fabrications clandestines se sont produites de tous côtés. Au moment de notre passage à Yun-nan, le change du tael était de 1,800 sapèques, et nous devions trouver des taux encore plus bas.

Ce n’est pas là la seule industrie de Yun-nan. On y tisse une étoffe particulière appelée tong hay touan tse, ou « satin de la mer orientale ». Cette étoffe, faite de fils de soie, que je soupçonne provenir en grande partie de l’araignée particulière dont j’ai signalé la présence à Ta-lan, est très-solide, nullement lustrée et en général d’une couleur noire, quoiqu’on puisse la teindre de toutes les nuances. Elle est très-renommée dans toute la Chine. On fait aussi à Yun-nan de beaux tapis, des couvertures et des feutres.

Les principaux produits indigènes que l’on trouve sur le marché sont : le thé, le cinabre, le musc, la soie, des préparations médicinales, du tabac et de l’opium, qui vaut environ un tael et demi le demi-kilogramme. Il est apporté surtout par les Lawas et les Kongs qui habitent la rive droite du Cambodge vis-à-vis de Pou-eul. Il contient une quantité d’opium pur égale à celle que l’on peut extraire de l’opium de Catna, mais il est moins parfumé. Le sel se vendait, au moment de notre passage, près de deux francs le kilogramme, à cause de l’occupation, par les Mahométans, des puits situés à une vingtaine de lieues dans le nord-ouest de la ville. Des draps et des fourrures russes, des cotonnades anglaises venues de Canton, du coton brut importé de Birmanie, sont les principaux produits étrangers.

La plaine de Yun-nan est riche en céréales, en arbres à fruits, en pâturages. On y cultive le blé, le sorgho, le maïs, l’avoine, le tabac, le lin ; la prune, la cerise, la pêche, la fraise, la noix, la châtaigne, la poire, sont les principaux fruits qu’on y rencontre. Çà