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Le royaume fut partagé comme jadis en deux parties : l’une, qui avait pour capitale Pram Domlong dans la province de Bien-hoa ; l’autre qui obéissait à Oudong. Ce fut le parti siamois qui l’emporta définitivement en 1690 dans la personne de Chau phnhea Sor, qui luttait depuis onze ans contre les hordes chinoises et chams soulevées contre lui par son compétiteur Non. Comme prix des services rendus au roi du Cambodge, les Siamois paraissent avoir conservé, à partir de ce moment, les provinces cambodgiennes de Sankea, Si Saket, Tchoncan, Souren et Coucan, situées entre Korat et Angcor.

Sous le règne de Chau phnhea Sor, un établissement anglais fut fondé à Poulo Condor (1702) ; mais la partie européenne de la garnison fut massacrée en 1717 par les Macassars qui composaient l’autre partie. Deux Anglais seulement, le docteur Pound et Salomon Lloyd, purent s’échapper dans une barque.

Sor régna dix-neuf ans, puis abdiqua en faveur de son fils Prea Srey Thomea. Celui-ci fut renversé du trône par son cousin Ang Em, qui avait le titre de Prea keo fea ; cette compétition des deux princes amena encore une guerre acharnée entre les Siamois et les Annamites. Ces derniers, vainqueurs sur mer, ne purent réunir sur terre des forces suffisantes pour arrêter les progrès des Siamois, et le Prea keo fea n’obtint de conserver le pouvoir qu’en se soumettant au roi de Siam. Il abdiqua à son tour (1729) en faveur de son fils Prea Sotha ; mais celui-ci ne tarda pas à être renversé par son oncle Prea Srey Thomea, qui fut fait roi à Pnom Penh par les Siamois (1739). Ce prince établit sa cour à Oudong, qui est resté jusqu’en 1866 la capitale du royaume. Il mourut en 1748 et fut remplacé par son fils Ang Snguon, qui prit le titre de Prea Reamea Typdey.

Ang Snguon eut à soutenir une guerre de quatre ans contre les Annamites, qui avaient complètement subjugué les Chams et se servaient d’eux comme d’avant-gardes pour leurs armées d’invasion. Ils avaient dirigé déjà une émigration chinoise dans le delta du Cambodge, et ces émigrants avaient colonisé au profit de la cour de Hué la province de Hatien. La nouvelle guerre coûta au Cambodge le territoire compris entre Saïgon et My-tho. Le roi Prea Reamea Typdey mourut en 1758 ; son oncle fut nommé régent du royaume, et, pour que l’empereur annamite lui accordât l’investiture royale, il lui livra les provinces de Bassac et Preatapeang (appelé aujourd’hui par les Annamites Tra-vinh) ; mais il fut assassiné sur ces entrefaites par son gendre. Le gouverneur annamite de Saïgon, aidé du Chinois Mac-ton, gouverneur de Ha-tien, marcha contre l’usurpateur et rétablit sur le trône le fils de Prea Reamea Typdey, nommé Ang Ton. En échange de ce service, la cour de Hué réclama la province de Vinh-long et l’autorisation d’élever des citadelles à Sadec et à Chaudoc.

Ang Ton prit le titre de Prea ang Preatha Somdach Outey Reachea.

À leur tour, les Siamois voulurent disputer au roi du Cambodge la couronne qu’il venait d’acheter si chèrement aux Annamites. En 1769, Phaya Tak, qui venait de repousser l’invasion birmane, voulut exiger de Ang Ton le tribut, et sur son refus, il lui suscita un compétiteur, Ang Non, auquel il donna l’appui d’une armée siamoise. Celle-ci fut battue par les Cambodgiens (1770). Mais, deux ans après, le roi de Siam revint avec 20,000 hommes assiéger Ha-tien, s’en empara et marcha sur Pnom Penh, où il établit Ang Non. Cette