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sadeur chinois se rendit de nouveau au Cambodge pour réclamer l’arrestation de trois soldats chinois qui avaient déserté, et le roi, n’ayant pu les trouver, envoya comme otages trois de ses sujets que l’empereur de Chine fît généreusement remettre en liberté[1]. En 1408, les envoyés cambodgiens, en apportant le tribut à la cour des Ming, se plaignirent vivement des incursions continuelles des habitants de Tchen-tching et demandèrent à être escortés à leur retour. L’empereur leur donna un officier pour les reconduire et pour porter au roi de ce pays l’ordre de cesser les hostilités[2]. Les hommages du Cambodge se succédèrent sans interruption jusqu’en 1435.

Prea Borom Reachea Thireach abdiqua à la fin de son règne (1433), suivant une coutume très-fréquente chez les souverains bouddhistes de l’Indo-Chine. À la mort de son successeur Prea Noreay (1437), le siège du gouvernement fut placé de nouveau à Angcor ; mais de grandes dissensions s’élevèrent entre les membres de la famille royale, et, pendant près d’un siècle, l’histoire du Cambodge n’est pleine que de révoltes et de guerres civiles, que Siam sut entretenir avec adresse et qui hâtèrent la décomposition de ce royaume, resté jusque-là riche et puissant malgré son amoindrissement territorial. Dès le début de cette période, eut lieu l’abandon définitif d’Angcor, et la capitale du Cambodge fut tantôt Basan, tantôt Pnom Penh[3]. En 1516, monta enfin sur le trône un roi énergique et habile, Prea ang Chan, qui releva un moment sa patrie affaiblie. À son avènement, une moitié du royaume était gouvernée par un mandarin rebelle qui régnait à Basan ; il le vainquit, pacifia le Cambodge et transporta sa résidence de Pothisat ou Pursat à Lovec (1528). C’est de ce moment que date la splendeur de cette ville, dont on peut voir encore les ruines au nord d’Oudong, sur la rive droite du bras du Grand Lac. Elle a trois enceintes, à l’intérieur desquelles on retrouve de nombreux vestiges de pagodes. C’est Prea ang Chan qui fit construire le plus important de ces sanctuaires, celui que l’on nomme Traleng keng ou à quatre faces, parce qu’il contenait une statue colossale de Bouddha à quatre faces, à laquelle l’imagination du peuple attribuait un pouvoir surnaturel. Auprès d’elle étaient les fameuses statues de Prea Kou, le dieu Taureau, et de Prea Keo, le Bouddha en pierre précieuse : nous n’insisterons pas ici sur toutes les légendes qui se rapportent à ces idoles et qui ont été déjà commentées dans d’autres ouvrages[4]. Outre la construction de Traleng Keng, on doit encore à Prea ang Chan la restauration du sanctuaire de Prea reach trop, que l’on peut visiter aujourd’hui à quelques kilomètres au sud-est d’Oudong. Une des filles de ce prince avait épousé le roi de Vien Chan : bouddhiste aussi fervente que son père, elle provoqua la réédification de plusieurs monuments religieux du Laos, entre autres le Tât de Peunom.

  1. Rémusat attribue les perquisitions ordonnées à ce moment par l’empereur de Chine, aux précautions qu’il était obligé de prendre contre les partisans de la dynastie mongole qu’il venait de renverser.
  2. Voy. Rémusat, op. cit., p. 28-34. Ta thsing y thoung tchi, k. 440, article Tchin-la.
  3. Le récit laotien que j’ai déjà cité (Voy. ci-dessus, p. 134, note 1) dit que quelque temps après la guerre entre le Cambodge et la Birmanie, un roi cambodgien, nommé Senarat, ayant commis de grands crimes, Phhnea Nakh produisit une inondation dans laquelle périrent un grand nombre d’habitants. Ne serait-ce point un accident de cette nature qui aurait contribué à faire déserter la ville d’Angcor ?
  4. Voy. Bastian, op. cit., t. V, p. 418-19.