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— Quelle question baroque ! Comment voudrais-tu qu’il en fût autrement ? Ce sont des Catalans et des Languedociens mêlés ; ils sont de race gallo-romaine.

— Oui ; mais ce n’est pas ce que je voulais dire. Je suis venu de Paris, croyant trouver ici un milieu tout nouveau. Vous aviez fait une révolution complète, proclamé la liberté morale…

— Oh ! dit Pausole. Ce n’est rien, mon petit. L’importance des révolutions se mesure à l’intérêt que peut avoir le gouvernement à retarder leur réussite. Il n’y a jamais eu qu’une révolution improbable avant le succès et inconcevable dans le souvenir, c’est celle qui vous a donné la liberté religieuse, parce qu’en renonçant au droit divin, le pouvoir s’est privé d’un soutien fondamental qui lui avait assuré jusque-là une stabilité plusieurs fois séculaire. Mais la liberté morale ? Vous l’aurez quand vous la demanderez.

— Qu’est-ce que c’est ? hasarda Philis.

— Tu penses bien, mon petit Gilles, dit Pausole sans répondre, que le jour où, à Paris, le public prendra la peine de réclamer une danseuse nue à l’Opéra, on la lui donnera tout de suite, car le ministère n’en sera pas renversé, surtout si les abonnés savent que la danseuse est bonne pour lui.