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Taxis, qui grignotait au bas bout de la table, se précipita vers la porte pour en barricader l’issue ; mais Giguelillot vit l’intention ; il ferma lui-même la serrure et remit la clef au ministre en lui disant :

— Voici, monsieur.

Pausole, debout, s’appuyait du poing sur la nappe et levait une main accusatrice :

— Te voilà répéta-t-il. Vraiment, ton aplomb passe encore tes crimes ! Ah tu me fais entreprendre un voyage insensé, tu m’arraches à mon palais pour me jeter dans cette cour de ferme et tu m’abandonnes six heures durant, sans gardes, sans appuis, sans conseils, au milieu d’une révolution !… Tu postes une folle à mon chevet, tu égorges une paysanne, tu saccages la métairie et tu licencies mes soldats pour me laisser en butte à la fureur de la foule, aux démences de je ne sais quelle femme échappée du harem par ta faute encore !… Et à la fin de cette journée abominable, de pillage, de meurtre et de lèse-majesté, tu te présentes la toque en main avec un sinistre sourire !… Tu ne croyais donc pas me rencontrer vivant ?

— Sire, répondit Giguelillot, je ne veux pas d’abord me hâter de prouver mon innocence, car ce n’est pas de moi qu’il s’agit, mais de vous et de