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— Toujours.

— Toujours, c’est bien longtemps. Dites-moi un peu moins pour que je vous croie…

— Quatre-vingts ans.

— Moins encore.

— Soixante-dix-neuf ans et demi… Je vous parle du fond de mon cœur, Thierrette ; si je vous offre un amour très long, c’est que j’espère vivre très vieux et que je vous aime pour toute une vie.

Thierrette se laissa persuader. Son indigne et délicieux amant comprit dès le début pourquoi elle avait refusé pendant près d’une heure la grâce de s’étendre et d’ouvrir les bras. C’était parce qu’auparavant elle n’avait pas jugé décent de l’accorder à personne.


Avait-elle raison de laisser Giguelillot prendre ainsi le premier la place vide auprès d’elle ? Le lecteur ne peut en douter. Thierrette en fut cependant soucieuse, et, cet après-midi de juin, si elle se sentit tout à coup accessible aux caresses de l’homme, la taille molle et les seins durs, ce fut que dans le secret de sa chambre les sens vainquirent sans combat tout ce qu’elle avait d’énergie.