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« Tu crois que tu ne m’aimes plus, Téléas, et depuis un mois tu passes tes nuits à table, comme si les fruits, les vins, les miels pouvaient te faire oublier ma bouche. Tu crois que tu ne m’aimes plus, pauvre fou ! »

Disant cela, j’ai dénoué ma ceinture en moiteur et je l’ai roulée autour de sa tête. Elle était toute chaude encore de la chaleur de mon ventre ; le parfum de ma peau sortait de ses mailles fines.

Il la respira longuement, les yeux fermés, puis je sentis qu’il revenait à moi et je vis même très clairement ses désirs réveillés qu’il ne me cachait point, mais, par ruse, je sus résister.

« Non, mon ami. Ce soir, Lysippos me possède. Adieu ! » Et j’ajoutai en m’enfuyant : « Ô gourmand de fruits et de légumes ! le petit jardin de Bilitis n’a qu’une figue, mais elle est bonne. »