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les paupières. Puis, au milieu d’un torrent d’injures, elle ajouta de la même voix très calme :

« Gardes ! qu’on me fournisse deux chulos », comme si elle était devant un taureau.

Tout le wagon était en joie. Olé, disaient les hommes. Et les femmes lui jetaient des regards de tendresse.

Elle ne se troubla qu’une fois, sous un outrage plus sensible : la gitane l’appelait : « Fillette ! »

« Je suis femme », dit la petite en frappant ses seins naissants.

Et les deux combattantes se jetèrent l’une sur l’autre avec de vraies larmes de rage.

Je m’interposai : les batailles de femmes sont des spectacles que je n’ai jamais pu regarder avec le désintéressement que leur témoignent les foules. Les femmes se battent mal et dangereusement. Elles ne connaissent pas le coup de main qui terrasse, mais le coup d’ongle qui défigure ou le coup d’aiguille qui aveugle. Elles me font peur.