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un « plus tard » que je ne pouvais pas briser. Je la menaçai de partir, elle me dit : « Allez-vous-en. » Je la menaçai de violence, elle me dit : vous ne pourrez jamais. Je la comblai de cadeaux, elle les accepta, mais avec une reconnaissance toujours consciente de ses bornes.

Pourtant, quand j’entrais chez elle, une lumière naissait dans ses yeux, qui n’était point artificieuse.

Elle dormait neuf heures la nuit, et trois heures au milieu du jour. Ceci excepté, elle ne faisait rien. Quand elle se levait, c’était pour s’étendre en peignoir sur une natte fraîche, avec deux coussins sous la tête et un troisième sous les reins. Jamais je ne pus la décider à s’occuper de quoi que ce fût. Ni un travail d’aiguille, ni un jeu, ni un livre ne passèrent entre ses mains depuis le jour où, par ma faute, elle avait quitté la Fabrique. Même les soins du ménage ne l’intéressaient pas : sa mère faisait la chambre, les lits et la cuisine, et chaque matin passait une demi-heure à coiffer la chevelure pesante