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monde, en ce moment. Et pourtant… je ne l’aime pas comme j’aimais Paul. Je ne l’aime pas comme on aime son frère : je le sens trop au-dessus de moi. Je l’aime énormément, mais comme une personne à qui l’on doit tout et dont on se sent adoré.

L’affection, l’amour que j’ai pour lui est presque tout entier composé de reconnaissance et de réciprocité. Je l’admire trop pour l’aimer comme Paul.


Paris, 15 octobre 1887, 7 h. du soir.

Que je suis paresseux ! Voilà encore près d’un mois que je n’ai écrit une ligne ici. Et j’ai cependant tant de choses à dire !

J’ai lu les Misérables !

Je note cela comme un événement : j’ai commencé l’épopée sublime le dimanche 11 septembre et je l’ai finie le dimanche 2 octobre.

Ici, je m’arrête. Je cherche des expressions, aucune ne me satisfait, toutes sont trop faibles.

Je ne peux pas encore comprendre Homère ni Eschyle ; je n’ai rien lu d’Isaïe ni de Shakespeare, ou presque rien, mais j’atteste ici que rien ne peut être plus beau parmi les œuvres des hommes.

J’atteste que rien dans l’Iliade ne peut être aussi beau que la bataille de Waterloo, et qu’Achille et qu’Hector ne sont que des femmelettes à côté d’Enjolras et de ses lieutenants, et