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dirai simplement que c’est par la chair de mes seize ans, l’occasion, l’herbe tendre, et j’ai su résister.

Voilà l’histoire tout au long. Brocchi m’avait souvent raconté une foule d’histoires, me disant qu’il fréquentait les brasseries à femmes, et nombre d’autres choses, que je prenais pour autant de mensonges ; mais aujourd’hui, en revenant de la Sorbonne, il me fait passer comme par hasard par la rue Champollion, et, en passant devant «la Chouette », une femme assise sur la porte lui crie : « Tiens, Brocchi ! Viens donc ! Tu paies un bock, n’est-ce pas ? » Et, comme je marchais toujours : « Entre donc aussi, toi, là-bas ! Psst ! Psst ! » m’a-t-elle crié. Brocchi aussi, mais j’ai bravement continué mon chemin.

Eh bien ! comme je ne me parle ici qu’à moi-même, je puis dire, sans fausse modestie, que j’ai bien agi ; car, dans cette rue détournée et toujours déserte, personne n’aurait pu me voir.

Mais, après tout, quoique sur le moment même la tentation ait été forte, j’avoue qu’il ne m’en a pas coûté beaucoup. Je n’ai fait que mon devoir, mon simple devoir, en n’abusant pas de la confiance que Georges a en moi. Et, quant à moi, elles me dégoûtent, ces filles payées.


Jeudi 28.

J’ai ma mention ! Mais je ne suis que septième.