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parce que je n’ai jamais vu Coquelin, parce que je n’ai entendu Got et Thiron que dans des rôles peu importants, mais je suis sûr que jamais acteur ne m’a donné une telle impression de vérité.

Le Bargy jouait Filippo. Il a su donner à sa physionomie, à sa voix, à ses gestes, une telle expression de tristesse pendant toute la durée de la pièce ; il a eu de telles trouvailles de regards, d’attitudes, et un maintien si profondément et si vraiment mélancolique, que je me serais cru plutôt en face d’un Coquelin ou d’un Mounet-Sully, que d’un jeune homme de vingt-quatre ans, à peine sorti du collège, mais déjà artiste jusqu’au bout des ongles.

Chaque mouvement, chaque regard était mesuré, calculé, étudié par avance, avec un soin, un talent ! C’était admirable.

La jeune première était Durand. J’aime mieux ne pas en parler.

La pièce principale était Tartufe. Là, rien de saillant. Laugier jouait bien, très bien même son rôle d’Orgon.

Mais après Le Bargy !

Prudhon jouait Valère. Cristi ! Quel homme agaçant, et laid, et bête, et fat ! Comment diable Marianne peut-elle s’amouracher d’un homme comme Prudhon ?

Marianne était mal interprétée aussi du reste :