Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conception. C’est un Dieu vengeur, s’immisçant dans toutes les affaires de la vie, un Dieu avec des passions tout humaines. Cependant, avec ce Dieu comme but de leurs écrits, certains des auteurs de la Bible ont pu faire des choses admirables. Rien n’est beau comme le livre de Job, les prophéties d’Isaïe, le Cantique des Cantiques.

« Mais le Dieu de l’Évangile est bien supérieur, et l’Évangile est une des meilleures lectures que je puisse te recommander. C’est un Dieu à idées infiniment plus larges, plus grandes, plus élevées, dans le Sermon sur la montagne, par exemple. »

Et j’étais enchanté que Georges me dise cela, car c’est absolument mon avis. Je me souviendrai toujours du jour où j’ai lu ce Sermon à la messe des Carmes et de l’admiration qu’il a provoquée chez moi. Je parlai alors de l’Imitation, en disant que cela me paraissait inférieur.

« C’est que tu ne la comprends pas, me dit Georges, et c’est bien heureux. Mon Dieu ! que deviendrais-tu si tu la comprenais à seize ans ? L’Imitation est un livre de vieux, un livre de désespéré, de désillusionné. Pour le comprendre, il faut avoir souffert tout ce qu’il dit ou sentir que l’on est peut-être à la veille d’éprouver les mêmes tortures. C’est un livre affreux, et c’est un crime que de le mettre entre les mains de jeunes filles de seize ans. Mais il y a de temps en temps des passages admirables et très profonds. Ah ! celui