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blance entre elle et moi. La pauvre fille est morte poitrinaire, et Dieu lui a refusé la suprême consolation qu’il donne aux phtisiques : l’ignorance de leur mal et l’espérance de leur guérison. Et moi aussi je mourrai poitrinaire, et, comme elle, je l’aurai su avant même que la maladie n’éclate, quand mes poumons ne la contenaient qu’en germe. Oui, je mourrai de cela, peut-être cette année, peut-être dans deux ans, peut-être beaucoup plus tard, à vingt-cinq ou trente ans, mais j’en mourrai, je le sais, c’est une maladie qui ne pardonne pas. Je mourrai en pleine jeunesse, avant d’avoir atteint l’âge d’homme, avant d’avoir connu les fatigues de la vie, avant d’avoir vu aucune de mes ambitions se réaliser. Heureux ceux qui meurent jeunes, disaient les anciens. Est-ce vrai ? Je n’en saurai jamais rien.


Mercredi, 29 juin

Georges m’a parlé religion hier soir. C’est la première fois que nous en causons un peu longuement. Aussi j’ai noté hier soir sur un morceau de papier ce qu’il m’avait dit de plus important, et je vais le développer sur mon journal.

Georges avait d’abord parlé quelque temps sur son thème favori, qui est que le goût, en somme, n’existe pas, que tout est une question de mode, que la masse du public se guide sur l’opinion d’un petit nombre d’hommes de talent qui inspirent