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Ah ! j’en avais assez, et, si le Bois n’était pas si joli, je ne sortirais jamais des grandes allées. La gaieté du peuple m’est fastidieuse, comme on dit dans le Postillon de Longjumeau.


Lundi, 27 juin, 4 h. 1/2.

Eh bien oui ! Pourquoi me le nierais-je à moi-même ? L’idée d’écrire mon journal ne m’est pas venue spontanément[1]. Le journal de Marie Baskhirtseff[2] vient de paraître, et Georges l’a acheté mercredi dernier. Tous ces jours-ci, il m’en a lu des extraits, et je dois dire que cela m’a absolument emballé. Aussi l’effet ne s’en est pas fait attendre. Le soir même, j’ai pris la résolution de faire comme elle, d’écrire mon journal. Faire comme elle, mon Dieu ! j’en suis bien incapable. À treize ou quatorze ans, elle écrivait mieux que je n’écrirai peut-être jamais. Mais je veux, comme elle, noter au jour le jour mes impressions et mes

  1. Mardi 21 juin La Légende des Siècles (complète). Mercredi 22, Journal de M. B.
  2. L’influence de M. B. ne peut m’avoir atteint. Je n’ai jamais relu cela depuis 1887, et je n’ai pas ce livre-là dans ma bibliothèque. Le document était très curieux, mais trop connu et dévoré par tout le monde. Livre banalisateur entre tous. Mais les trois séries de La Légende des Siècles, qui les a lues ? Depuis trente et un ans je n’ai rencontré personne qui les connaisse en entier. Pas un poète sur cent ne sait que dans le « Groupe des Idylles » la treizième pièce est une merveille. Mon premier roman est né de cette pièce-là, et pas un critique ne l’a dit.