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deuxième de Thermidor, drame idiot, plat, vulgaire et totalement ridicule de Victorien Sardou. C’est un absurde et odieux pamphlet, d’une partialité absolument révoltante, contre les hommes de 93 ; Coquelin y débite trois heures durant, de sa voix nasillarde et oratoire, des déclamations sur la Terreur qui ont paru tellement enfantines et tellement abominables qu’à la première tirade des protestations partent des troisièmes loges, aussitôt suivies de coups de sifflets. L’orchestre s’indigne noblement et applaudit pour consoler Coquelin ; mais les sifflets continuent, et l’attitude du rez-de-chaussée unanimement scandalisé me paraît si grotesque que, pour rompre avec ces gens-là, je tire une clef de ma poche et je lance un coup de sifflet strident qui vibre dans toute la salle. Mais j’étais au parterre, au milieu de la claque, et la claque aussitôt avec un zèle sublime m’apostrophe, me bouscule, tout l’orchestre est debout : « À la porte ! à la porte le siffleur ! Canaille ! Canaille ! Misérable !… » On me passe de mains en mains jusqu’à la porte ; mais là je m’arrête, et très calme : « Je ne m’en irai pas. — Monsieur, dit le placeur, vous ne pouvez pas rester là (cris : Canaille ! canaille !). Sortez ou revenez à votre place. — C’est bien, je reviens ». Mais les injures continuaient et j’entendais des phrases superbes : « Parlez-vous français, Monsieur !!! » Je paierais pour connaître l’idéal Prudhomme qui m’a