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dire : en 1890 ; car dans dix ans d’ici 1890 ce sera un peu comme 1819), aujourd’hui les femmes sont peut-être plus intelligentes, elles n’ont pas besoin qu’on leur en dise tant. Toutes ont pensé comme Katia : « Il me disait : comme les grenouilles chantent ! Et j’entendais : Je vous aime… je vous aime… » En 1819, Mme de Nucingen invite à dîner un inconnu qui lui fait une visite, monte en voiture avec lui, le fait jouer pour elle, lui donne mille francs sur sept mille, comme à un Alphonse, lui saute au cou pour le récompenser, le lèche de baisers, pleure « sur son gilet » (c’est dans le texte), l’invite à revenir, à l’accompagner aux Italiens, dans sa loge, partout ; — et cela ne veut rien dire ! Rastignac ne s’étonne pas de ces procédés ni de ce genre de vie au moins singulier, qui perd les apparences sans en avoir le bénéfice. En 1890, Mme de Burne, au Mont Saint-Michel, murmure : André. Et Maupassant ajoute : Il comprit qu’elle se donnait. Et la différence ne s’arrête pas là : en 1819, toute liaison s’affiche. Chaque femme a un amant en titre, qui la conduit au théâtre, l’accompagne au Bois, la suit partout, et cela au su et avec le muet consentement du mari ; c’est compris et reçu de tout le monde, et le mariage n’est en quelque sorte que l’association financière d’un homme qui paie une maîtresse et d’une femme que paie un amant (à moins que ce ne soit le contraire). Je sais bien que cela a toujours été