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C’est une bibliothèque qui ne sera pas monotone.

J’emporte 160 pages de papier comme celui sur lequel j’écris ici. Il n’y a que là-dessus que mes vers viennent, et je compte en faire si l’on me fiche la paix à Montpellier. Quoi qu’il en soit, je serai seul pendant mon voyage ronsardiste et là j’aurai le temps. Et surtout, surtout, j’ai emballé les deux plumes qui me servent depuis un an ; s’il me fallait écrire avec la pointe d’aiguille que j’ai entre les mains en ce moment, je ne trouverais pas deux rimes de suite.

C’est le dimanche 1er juin que je serai à Cholet. Le samedi vaudrait mieux peut-être. Je verrai d’ici là.


Bourgueil, 9 juin, 9 h. 1/2 soir.

Qu’est-ce que je veux ? la réalisation du rêve. Et quand j’aurai la réalité, je regretterai le temps du rêve.

Les désirs trop violents ne devraient pas être. Ils causent une douleur poignante quand ils naissent, — et causent une amertume infinie quand on s’aperçoit qu’ils ne peuvent être satisfaits tout entiers.

J’ai passé hier une journée affreuse. Il pleuvait, j’étais seul ici, dans un hôtel perdu, seul avec des pensées inutiles, regrets intenses, espérances vagues. Il m’aurait fallu des distractions violentes