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ment ma volonté vers un but jusque-là méprisé ; que sa voix m’obsède ; que ses yeux me hantent ; que sa tête brune a pris ma vie ; que l’image affaiblie que j’ai conservée d’elle suffit désormais à ma soif d’idéal… Si elle savait cela, comprendrait-elle assez pour en être folle de joie ? M’aimerait-elle autant que je l’aime ? Me voudrait-elle grand ? Est-ce la femme que j’ai rêvée : une Clara Schumann qui aimerait comme Mlle de Lespinasse ?


Lundi, 12 mai, 8 h. soir.

         … Autrefois, j’étais fière
Quand on disait que non. Qu’on me vienne aujourd’hui
Demander : « Aimez-vous ? » Je répondrai que oui.

Ils sont adorables, ces vers. Comment les ai-je toujours aimés, quand je crois ce soir les comprendre pour la première fois !

Ô Marie, que je vous suis reconnaissant ! Vous m’avez donné l’intelligence des vers d’amour. Vous avez déchiré pour moi le voile, si léger qu’il fût, qui m’empêchait de les comprendre dans toute leur pureté.

Souvent, plein de discours, pour flatter mon esmoy
Je m’atteste et je dy : Se pourrait-il bien faire
Qu’elle pensast, parlast ou se souvint de moy ?
Encor que je me trompe, abusé du contraire
Pour me faire plaisir, Hélène, je le croy.