Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à la destruction finale ? Le Corps a ses appétits à lui, qu’il lui faut satisfaire, et l’amour pas plus que la faim ne déshonore. L’essentiel c’est que l’Âme ne se commette pas avec le Corps, c’est qu’au spectacle des Désirs elle évite de ternir les Pensées, à moins qu’elle ne les élève de telle sorte qu’ils deviennent eux-mêmes des Pensées, en se déployant dans l’Intelligence par la transposition au moral de l’exaltation physique.

L’Ascétisme est donc, à mon sens, inutile et enfantin. Il retient l’Âme dans un champ de bataille d’une guerre humaine, quand elle a soif des soudains essors vers les conquêtes éthérées. Je ne suis pas tombé dans cette erreur de quelques sages qui me semblent avoir été des esprits bornés. Quand mon corps grondait sous mon âme, je ne lui ai pas crié vainement : Knurre nicht, Pudel ! Je lui ai donné ce qu’il demandait, et j’ai fait mon âme délivrée. J’ai connu à Paris, dans des rues étroites et mystérieuses, deux ou trois filles de mauvaise vie qui m’ont tenté parce qu’elles étaient jeunes ; j’ai donné à l’une d’elles ma virginité du corps, ce fantôme grossièrement conçu par la superstition populaire, et avec les deux autres j’ai continué d’aimer. En sortant de leurs bras lassés, je pouvais enfin regarder les étoiles. Père, ne me pardonne pas, comprends-moi.

Car la virginité de mon âme, seigneur Dieu ! personne ne l’aura ! Mon âme n’aimera personne. Je