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Je sors demain ! Plus de rougeole, et les boulevards et les arbres verts que je n’ai pas encore vus de cette année, et le soleil, et le ciel gai, et les jolies femmes…

Oh ! chic !

Demain, promenade ; vendredi, exposition Hugo ; samedi, Salon ; dimanche, autre chose.

J’ai lu hier pour la première fois des lettres de Diderot, le matin dans mon lit : les lettres à Sophie. Que c’est joli, que c’est tendre, que c’est fin, que c’est jeune, malgré ses quarante-six ans !

On lit quinze lettres de Voltaire, on est ébloui, emporté par la verve, l’esprit qui ne tarit pas, mais on sort de là l’esprit vide comme avant. Il n’y a rien, rien, rien. Et dix lignes d’une lettre de Diderot, voilà de quoi penser trois heures. L’esprit de Voltaire est superficiel, esprit de mots, les car, les mais, les quand. L’esprit de Diderot repose toujours sur quelque chose : c’est là le seul esprit. L’autre n’existe pas.

Que d’idées chez ce Diderot ! Quel homme ! et quelle modestie ! Si on n’allait pas dîner, j’en parlerais bien.

Commencé ce soir Pêcheur d’Islande prêté par Élisabeth. Début extraordinaire. Je lis cela religieusement, pesant les mots, disséquant les tournures, l’étudiant à mon point de vue, pour mon style. Ferai-je jamais aussi bien ?

Ah ! s’il ne s’agissait que de vouloir !