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est devenu en musique[1]. C’est là mon idéal : beaucoup de poésie, beaucoup de douceur, beaucoup de grâce, beaucoup de sentiment.

Dans ce genre, en littérature personne ne fait pendant à Massenet : Sully Prudhomme est trop monotone, Alfred de Musset est trop dépravé et trop maladif, Théophile Gautier est trop froid, Flaubert n’est pas assez sentimental, et Loti n’a qu’une corde. Ce serait encore Renan qui s’en rapprocherait le plus, mais il est trop prêtre malgré son scepticisme et sa tolérance.

Je voudrais donc la phrase harmonieuse de Flaubert, la pensée délicieuse de Sully Prudhomme, la puissance d’émotion de Musset, le pittoresque de Théophile Gautier avec la poésie charmante de Loti et l’exquise douceur de Renan.

Décidément, de tous ces gens-là, c’est encore Renan que j’envie le plus, avec sa nonchalance, son laisser aller, sa phrase qui coule comme une musique, et je ne sais quel sourire de tolérance affable planant sur tout ce qu’il fait.

Mais, si j’avais son talent, je ne l’emploierais pas comme lui.


Ôter aux nations le bandeau de l’erreur,

c’est trop ennuyeux. Et puis, ça sert-il vraiment ? En sont-elles plus heureuses, les nations, quand

  1. C’est bien à peu près ce que je suis devenu, — hélas ! (97).