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appréciation qui s’applique à l’un et à l’autre, et je ne peux pas.

Prenons-les séparément. Le Vieux, c’est un pastiche des Misérables. Cela, ça ne fait pas de doute un instant[1]. Prendre la vie d’un homme malheureux par les petits côtés, accumuler, sans phrase, mille petits détails navrants qui se resserrent peu à peu, se pressent, se hâtent, se précipitent et se terminent enfin par la chose la plus triste qui pût arriver, c’était là un des procédés familiers à Victor Hugo, inventé par lui, du reste, et qu’il chérissait tout particulièrement.

Rien que dans les Misérables, j’en vois plusieurs de ces chapitres si courts, si simples et si navrants ! C’est d’abord Fantine sacrifiant sa nourriture, son gîte, ses belles dents, ses cheveux superbes, et se disant à la fin : « Vendons le reste ! » C’est ensuite M. Mabœuf, un des plus tristes, peut-être (pas sa mort à la barricade, mais la vente de sa bibliothèque). C’est encore les chapitres sur Marius étudiant, de plus en plus pauvre, en arrivant à ne plus manger que tous les deux jours. C’est enfin, et c’est ici que Loti a regardé, c’est la mort lente de Jean Valjean, mois par mois, jour par jour.

L’imitation est flagrante. Est-ce un reproche, cela ?

Pas du tout. Hugo a inventé un procédé admi-

  1. C’est possible, pourtant. 97.