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21. avril 88, 9 h 1/2.

Oh ! je voudrais écrire, écrire… Les pensées me brûlent la plume, les mots se pressent dans ma tête en feu et les sujets s’accumulent dans ma pauvre imagination de dix-sept ans[1].

J’ai besoin d’être quelqu’un. J’ai besoin de percer, le plus vite possible, et d’écrire, le plus possible, le mieux possible surtout.

Trois choses m’arrêtent encore maintenant : l’horreur de la banalité dans laquelle je tombe si souvent, j’en suis sûr, sans le savoir ; puis des scrupules qui me font délaisser les vers pour les études du bachot ; enfin, la paresse, je l’avoue. Et pourtant, non ! ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas la paresse. Je resterais bien quatre heures sur une poésie (et je l’ai déjà fait bien des fois) si je n’avais la conscience de perdre mon temps.

Oh ! si je puis un jour !

Si, quand j’aurai vingt ans, une inspiration me prenait, sublime comme celle de Barbier, mais plus durable, plût à Dieu ! Si, sortant du niveau des petits poètes, des Catulle Mendès, des Armand Silvestre, des François Coppée, j’arrivais… oh ! je n’y pense pas… à la gloire de Leconte de Lisle, au génie de Jean Richepin[2]. Ou si même…

  1. Singulier, le développement rapide de cette vocation tardive. 97.
  2. !!! 90.